Gilbert, un expert français au Cambodge, au service d’une éducation innovante et adaptée


Un témoignage de Gilbert Palaoro
VSI avec l'ONG Pour Un Sourire d'Enfant (PSE)


Gilbert PALAORO est VSI avec l’ONG Pour Un Sourire d’Enfant (PSE). De longue date impliqué dans l’éducation, il y dirige l’école de gestion depuis 2 ans.

Les fondateurs de PSE, Marie-France et Christian (à titre posthume) des Pallières sont membres du Comité d’honneur de la Guilde, un engagement que Gilbert poursuit à sa manière.

Peux-tu nous présenter ton parcours ? 

« Fils d’une famille de 13 enfants issue de l’immigration italienne, après 20 années dans la direction de centres éducatifs, j’ai décidé de partir à l’étranger pour m’investir dans le développement. Pour franchir cette étape, j’ai appuyé mon projet par des masters en formation à la gestion puis un doctorat en gestion et sciences de l’éducation. Depuis 2000, j’ai passé 4 années dans la coordination de programmes de mobilité à partir de l’Asian Institute of Technology en Thaïlande, et 11 années au Vietnam et Cambodge au service de l’Agence Universitaire de la Francophonie en soutien aux universités francophones. »

Peux-tu présenter PSE et son action au Cambodge ?

« Véritable modèle de complémentarité et de soutien au développement d’un pays, PSE est le fruit du travail d’un couple Marie-France et Christian des Pallières, qui ont construit un réseau de soutien et d’entraide impressionnant de plusieurs milliers de membres, créant les conditions d’une totale indépendance financière. Association de droit français, PSE agit depuis plus de 20 ans pour sortir les enfants cambodgiens de l’extrême misère et les mener jusqu’à un métier. Une dizaine de milliers d’enfants ont été ainsi recueillis, nourris, éduqués, en tentant d’associer les familles avec le souci constant de la pérennité des actions menées. »

Pourquoi as-tu choisi de t’engager en tant que VSI ?

« Le travail de soutien au développement de l’éducation est passionnant mais souffre grandement de reconnaissance et de droit pour les personnes qui s’y engagent. Mon arrivée en Asie a coïncidé avec la précarité des contrats. Balloté entre les procédures des associations, les droits du travail des différents Etats et le statut d’expatrié, il faut ainsi constamment jongler pour pouvoir obtenir des conditions décentes d’existence mais aussi préparer son avenir. Le VSI a été à ce titre une opportunité exceptionnelle. Il m’a permis d’avoir une rémunération de la part de PSE qui reconnaît mon travail et d’assurer parallèlement toutes les charges de couverture sociale. Le VSI devient dès lors un levier très pertinent pour le soutien au développement, un relai complémentaire utile et intelligent des personnes qui s’engagent et apportent leur expertise. »

Quelles sont tes missions ?

« Je fais un travail passionnant, un aboutissement en terme d’innovation pédagogique qui place l’apprenant au centre du processus et privilégie les apprentissages par l’activité. Je dirige l’école de gestion, 380 étudiants et une quarantaine de collègues, pour l’acquisition de compétences techniques dans les métiers de la vente, de la comptabilité, de la gestion, des ressources humaines ou de l’administration. Le positionnement de l’école au sein d’une ONG est un atout considérable pour délivrer des formations courtes et techniques en ciblant le public des laissés-pour-compte du système traditionnel et privatisé. »

Comment se passe ton intégration sur place ? Quels sont les aspects interculturels à prendre en compte ? 

« Mon expérience acquise dans la région et dans le domaine de l’éducation a grandement facilité mon intégration. Au-delà de mon exemple il importe de reconnaître que très généralement l’intégration dans les pays d’Asie du sud-est est facilitée par l’accueil chaleureux de la population, les fondements de la culture bouddhiste, l’importance accordée à l’éducation et la reconnaissance des populations envers les personnes qui souhaitent venir les aider. Mais l’intervention des volontaires s’inscrit dans un schéma complexe qui nous contraint à porter une grande attention lors de nos interventions. Les locaux attendent de nous une valeur ajoutée, témoignage selon eux, de la réussite économique et sociale des Occidentaux. Le risque est l’inadaptation et donc l’échec lié à une forme d’arrogance qui serait le fruit d’une relative réussite économique nous permettant de l’imposer comme modèle. Les interventions doivent être conduites pour et avec les populations locales en s’appuyant sur les méthodes, la formation, l’adaptation des outils, leurs besoins et leur vision du monde dans un objectif constant de pérennisation. »

Ta vision du Cambodge…

« C’est un pays merveilleux qui me renvoie l’image de la qualité de l’accueil des pays voisins, le Vietnam et la Thaïlande, 30 ans auparavant. La découverte du Cambodge est intéressante si elle sort des clichés liés au génocide des Khmers rouges. Les Cambodgiens souffrent encore de cette période mais souhaitent véritablement que les étrangers s’intéressent surtout à leur extraordinaire patrimoine archéologique, la diversité de leurs paysages composés de forêts primaires, du Mékong, du bord de mer et des rizières. Il faut visiter les villages, la campagne, aller vers les frontières pour comprendre les traditions et la culture. »

Ton bilan personnel et professionnel ?

« A 57 ans, je vais entrer dans ma troisième année de VSI pour un contrat de deux autres années. Je n’imagine absolument pas un temps de retraite après cela. J’espère d’une manière ou d’une autre, pouvoir continuer à soutenir PSE. Cette expérience va enrichir mes connaissances et améliorer mon réseau dans le monde de l’éducation supérieure et du développement. J’ai pour projet de devenir l’un des experts conseils de la région. J’aimerais aussi construire une plateforme d’information et d’orientation pour faciliter la mobilité des étudiants vers l’occident ou vers l’Asie du sud-est.  »

Des conseils pour les futurs volontaires ? Un mot pour celles et ceux qui hésitent à partir ?

« Il n’y a aucun problème majeur pour venir dans cette région du monde. L’intégration est facile, le coût de la vie quotidienne est inférieur à l’occident et la sécurité est bonne si vous respectez les fondamentaux. Si vous êtes étudiant, votre mobilité ne doit pas s’appuyer sur la recherche d’expertise académique car ce secteur est en pleine construction. Ne vous attendez donc pas à un enrichissement des savoirs scientifiques purs et au soutien d’experts sur place car ces ressources ne sont pas encore assez nombreuses. Par contre l’environnement est très intéressant pour la recherche appliquée, la découverte culturelle, géographique et les échanges. Tous les réseaux existent à présent pour vous aider à franchir le pas, n’hésitez pas à consulter les personnes qui ont vécu ces expériences, elles se feront un plaisir de continuer à aider au développement de la région. »

Crédits photos : PSE