Le patrimoine, cette mémoire des peuples

Le musée des arts asiatiques Guimet propose jusqu’au 6 février 2023 une exposition « Afghanistan. Ombres et légendes » avec le soutien de l'Alliance internationale pour la protection du patrimoine dans les zones en conflit. Créée il y a cinq ans, ALIPH a financé et accompagné près de 150 projets dans une trentaine de pays. La Guilde opère l'un d'entre eux à Raqqa (Syrie) et travaille sur un deuxième à Mossoul (Irak). Le responsable de ces programmes à La Guilde éclaire un pan essentiel de la coopération internationale.

Un article de La Guilde


Ce sont des images tristement marquantes : 2001 en Afghanistan, destruction des Boudhas de Bâmiyân par les talibans ; 2012 au Mali, démolition des mausolées de Tombouctou par les djihadistes d’Ansar Dine ; 2015 en Syrie, la cité antique de Palmyre est rasée par Daesh. Des attaques contre le patrimoine qui entraînent des réactions, du local à l’international. Notamment à travers la création de l’Alliance internationale pour la protection du patrimoine dans les zones de conflit (ALIPH), fondée en mars 2017 et partenaire de La Guilde depuis 2019 autour de la restauration du musée archéologique de Raqqa et de la mosquée Al Masfi de Mossoul

Une Alliance dont la conférence des donateurs, le 31 janvier 2022, marquait le cinquième anniversaire. À cette occasion, le président Macron soulignait des résultats remarquables : « ALIPH a su démontrer son utilité, sa réactivité, en un mot son efficacité. (…) C’est fort de ces succès que nous devons construire et préparer demain. Grâce à ALIPH et aux dizaines d’opérateurs locaux et internationaux avec lesquels la fondation travaille au quotidien, les musées de Mossoul, en Irak, ou de Dhamar, au Yémen, sont en cours de réhabilitation. Ils viennent s’ajouter à des programmes de restauration menés à leur terme, comme celui du musée de Raqqa, dans le nord-est de la Syrie ».

Lancé en 2019, le chantier du musée de Raqqa a permis aux différents acteurs de poser les bases d’un travail commun. « Un partenariat entre ALIPH, La Guilde, les autorités et les ONG locales Roya et Impact », détaille le responsable des programmes pour La Guilde. « Une fondation comme ALIPH a besoin de partenaires ayant une connaissance et des accès à des zones compliquées. La Guilde a cette connaissance du terrain et peut permettre à un réseau d’experts d’y accéder ». Au bout, les indispensables financements permettent une action collective de rétablissement – des murs, de la culture, d’un passé malmené.

Car à Raqqa, les destructions ne sont pas seulement des dommages collatéraux liés à un conflit. « Ce qui est très symbolique, c’est qu’on vient après une tentative d’éradication de l’identité et de la culture de ces peuples par Daesh, qui a mené une politique de négation de tout un pan de l’histoire pour satisfaire leur idéologie », éclaire le responsable des programmes à La Guilde. « C’est vrai pour tout ce qui est antérieur à l’islam, comme la civilisation mésopotamienne, mais il faut rappeler qu’ils se sont avant tout attaqués de façon massive au patrimoine des branches de l’islam considérées par eux comme hérétiques. aussi pour les branches de l’islam qui ne leur convenaient pas. Et c’est intéressant, car ça contrebalance la vision un peu binaire qui peut être avancée dans les médias ». Aujourd’hui, après la rénovation du bâtiment, l’équipe de restaurateurs syriens a pu engager la phase II du projet, ouvrant la perspective d’une exposition temporaire durant l’été 2023. Environ un millier d’objets archéologiques sont aujourd’hui conservés au musée de Raqqa.


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À Mossoul, , la réhabilitation de la mosquée Al Masfi est en cours, en partenariat avec l’Institut national du patrimoine et l’Ecole de Chaillot. Un premier comité de pilotage scientifique a été mis en place. Un architecte – chef de chantier est arrivé sur place pour une mission d’un an avec La Guilde. Guilde qui va également soutenir l’Institut culturel franco-irakien de la ville. Enfin, Radio Al Salam dispose de deux pigistes à Mossoul pour bien couvrir l’actualité locale : trois contributions à la renaissance sociale et culturelle de la grande ville du nord de l’Irak.

Un parcours long et complexe, cerné d’enjeux politiques et historiques. Mais aussi un travail porté par une passion commune : « on apprend à collaborer avec différents métiers, archéologues ou restaurateurs de différents pays et cultures, ce qui rend le quotidien vraiment intéressant », souligne le responsable des programmes. Qui, s’il sait les vertus de La Lenteur, préfèrera retenir de Milan Kundera cette réflexion, proposée un jour de 1979 dans les colonnes du Monde : « la culture, c’est la mémoire du peuple, la conscience collective de la continuité historique, le mode de penser et de vivre ». Un sens d’un passé porteur d’avenir, bien présent chez tous les Monuments Men modernes.

Article initialement publié en février 2022, mise à jour décembre 2022


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